FORGE ET TREMPE DES ACIERS
Concernant
la forge des lames, la particularité japonaise est l'utilisation
d'aciers de différentes teneurs en carbone agencés entre
eux.
L'acier est un alliage de fer et carbone. Mais le seul carbone qui peut
rester en équilibre métastable est ce qu'on appelle le
carbone orthorombique (Fe3C ou cémentite). Le fer a un point de
fusion à 1539 °c le carbone l'abaisse à 1153 °c.
Il a donc une action prépondérante sur les modifications
des propriétés. Cependant l'acier pur n'existe pas, il
contient toujours des impuretés qui en fonction ont une
incidence plus ou moins importante :
Le
phosphore : il provoque des effets défavorables sur les
propriétés mécaniques du fait d'un diamètre
atomique plus grand d'où une diffusion difficile dans le fer.
Le
soufre : il crée ce qu'on appelle une ségrégation
mais.... on peut le combattre en rajoutant du manganèse.
Le
manganèse: Il nécessite une température
supérieure au point de fusion de l'acier. De ce fait il n'a pas
d'incidence majeure comme d'ailleurs pour beaucoup d'autres
impuretés (oxyde, silicates, aluminates...) à l'exception
de l'oxyde FeO qui fond à 1388° et qui entraîne une
fragilité à chaud.
Le
choix de l'acier est donc primordial pour obtenir les
propriétés optimales. Le génie japonais est
d'avoir compris cela de façon empirique et le tamahagane a ces
qualités.
Le
corroyage et la déformation mécanique a pour effet de
donner aux cristaux des orientations privilégiées par
rapport aux directions des efforts subis par le métal. Cela
modifie la structure primaire et les axes des dendrite s'orientent dans
la direction de l'allongement du métal. D'où le
métal corroyé, au delà des différentes
couches a une structure fibreuse qui est la cause essentielle de
l'anisotropie et de la ductilité.
Le
sable ferrugineux est typique du japon. Il a la particularité de
ne contenir que très peu d'impuretés si ce n'est un peu
de manganèse. A la période des shinto, quelques forgerons
ont employé de l'acier étranger (nanban tetsu) avec de
bons résultats. C'est le cas entre autres de certains forgerons
de la province d'Echizen (Yasutsugu). En ce qui concerne les
procédés modernes, il n'y a pas d'amélioration
notable apportée aux techniques japonaises dans les
résultats.
LA TREMPE
La
trempe concerne avant toute chose la transformation de
l'austénite. C'est la transformation de l'acier lorsqu'il est
chauffé .
Schématiquement,
sur les aciers avec une teneur en carbone inférieure à
1,7% (donc pas de la fonte) après chauffe au delà d'une
température qu'on appelle critique (variable selon la teneur en
carbone), l'acier se transforme en austénite. Après un
refroidissement lent cette austénite se transforme en perlite et
ferrite. En agissant sur la vitesse de refroidissement il est possible
d'obtenir d'autres transformations telles que martensite.
Puisque c'est fonction des teneurs en carbone, lors d'un refroidissement lent :
-
quand on a une teneur > 0.87%, le constituant Fe3C précipite
et devient cémentite qui est un constituant très dur
puisqu'il se situe entre le feldspath (6) et le quartz (7) sur
l'échelle de dureté de Mohs. Mais l'acier est plus
cassant.
- quand la teneur en carbone est < à 0.87 % (c'est le cas des
aciers employés à la base pour la forge du nipponto) on
obtient de la ferrite et de la perlite.
La
vitesse de refroidissement a une influence majeure sur la
transformation de ce qu'on appelle du fer alpha en fer gamma. Lors de
la trempe, il y a 3 paramètres à prendre en compte :
- la vitesse de refroidissement.
- la teneur en carbone.
- le degré d'avancement de la transformation de l'acier, donc de la température de chauffe de la lame.
1 - Lors du refroidissement brutal la formation de la perlite (pas
très dure) peut être empêchée plus ou moins.
On appelle vitesse critique la vitesse maximale de refroidissement
compatible avec la transformation perlitique. Au delà de cette
vitesse l'austénite se transforme en martensite (très
dure) avec de l'austénite résiduelle. Pour une vitesse de
refroidissement un peu inférieure à la vitesse critique
on obtient de la troostite qui apparaît sur fond de martensite.
2
- la transformation austénite/martensite varie en fonction de la
teneur en carbone et la stabilité de l'austénite croit
avec celle-ci (par exemple, pour 0.4% de C, il y a 10 %
d'austénite résiduelle, pour 1.3% de C ça passe
à 40 %!!). D'où encore une explication du choix des
aciers et de teneurs en C par les forgerons japonais, puisque les
propriétés mécaniques de l'acier à
structure martensitique dépendent de l'austénite
résiduelle.
3
- de façon empirique mais très contrôlée, la
lame est amenée à la température idéale
(environ 800°c) pour obtenir un degré de transformation qui
par la trempe apportera le maximum d'éléments
intéressants dans le rapport entre la dureté et la
cassabilité.
Le
principe de la trempe est donc d'obtenir sur le tranchant de la
martensite (avec peu d'austénite résiduelle) par un
refroidissement à une vitesse plus élevée que la
vitesse critique. La protection du reste de la lame par la gangue
d'argile permet d'atténuer et de flirter ou d'être en
deçà de la vitesse critique et donc d'obtenir bien
sûr de l'austénite mais aussi troostite et perlite. Le
tranchant est donc plus dur que le reste de la lame, mais plus cassant.
Les japonais trempent à l'eau et non à l'huile sans
revenu de trempe parce que l'eau a une capacité de
refroidissement plus élevée que l'huile.
Lorsque le forgeron plonge la lame dans l'eau :
- il se forme tout d'abord une couche isolante de vapeur avec une capacité de refroidissement faible.
- Puis ensuite il se produit un bouillonnement avec un fort pouvoir de refroidissement.
- enfin la chaleur diffuse par conduction et convection à une
vitesse relativement faible.
Encore des éléments avec lesquels le forgeron compose. la
température de l'eau est importante. Une légende dit que
Masamune avait coupé la main de l'étudiant qui devait
devenir son gendre parce qu'il l'avait trempé dans le bac de
trempe pour voir la température, sans l'autorisation du
maître.
Texte de S. Degore
|