Sports et Budo
Une des particularités majeure des budo est la capacité
à les pratiquer à long terme, dans une constante
démarche de progression. Les scientifiques considèrent
que les capacités physiques tendent à s’amenuiser
à partir de l’âge de 30 ans, avec une perte
musculaire d’environ 1% par an s’alliant à des
pertes aérobies. De ce fait une pratique s’axant
essentiellement sur la puissance physique ne peut s’inscrire dans
la démarche du budo et est vouée à
l’échec à partir d’un certain âge.
L’ouverture dans la progression est à mener sur la
maîtrise du corps et des énergies, passant ainsi
d’une dimension de travail externe à une dimension
interne. Cependant, il paraît essentiel d’ordonner ces deux
aspects à la fois dans la temporalité mais aussi dans un
lien au professeur et au groupe. J’entends parfois des formules
telles que « les grades, ça ne veut rien dire ». Je
me pose en désaccord avec cette idée. Ils ne veulent rien
dire que dans la mesure où l’on ne sait pas quoi leur
faire dire. Juger un grade sans posséder « le logiciel
adapté » pour le faire ne peut aboutir qu’à
une ineptie.
Cela me rappelle une anecdote :
Lors d’un passage de grade de shôdan, un
élève a eu le sentiment de ne pas donner le meilleur de
lui-même. Etant cependant admis, il est allé voir le
président du jury (7ème dan kyoshi) et pour lui faire
part du fait qu’il ne le méritait pas. La réponse
fut incisive « Quelle prétention ! Tu penses avoir de
meilleures compétences qu’un jury pour
t’évaluer ! Restes à ta place si tu veux progresser
! »
De fait je vous propose une perspective de l’évolution et
essayant de donner une signification à chaque grade.
Signification des dan
Shodan
C’est le premier palier important dans l’étude (SHU
守). C’est le niveau du débutant confirmé, membre
à part entière du groupe, avec les responsabilités
qui lui incombent. Le shôdan est dans l’étude
externe de la pratique en s’axant sur la reproduction la plus
fidèle des formes de base. La pratique se doit
d’être lente, éducative en mettant l’accent
sur le délié des gestes et la stabilité des appuis.
Nidan
La puissance du geste s’affirme, avec une compréhension
des formes dans le respect total des bases. Les automatismes essentiels
du geste, la capacité d’être dans un lien harmonieux
avec son partenaire sont présents.
Sandan
Deuxième palier dans l’étude (HA 破). C'est les
prémisses de l’étude interne. La capacité de
mettre en oeuvre la technique de façon précise, dans un
rythme correct et de façon déliée constituera le
début de l’efficacité technique. A ce niveau, il
doit être possible de s’adapter à tout type de
partenaire, tout en restant dans le cadre strict de la technique.
Yondan
C’est un niveau technique avancé où le pratiquant
prend un rôle particulier vis-à-vis du groupe. Il est
investi d’une responsabilité dans la représentation
de l’école. La personne passe d’une vision
diversifiée des techniques juxtaposées à celle de
la mise en oeuvre de principes, étayés par le ressenti.
La gestion du kime, seme, maai, yoshi devient
l’élément fondateur de la progression à
venir. Le titulaire du quatrième dan reste toujours dans une
application stricte de la technique, mais l’entraînement
ponctuel ne suffit pas. Il doit intégrer sa pratique à sa
vie pour continuer d’avancer.
Godan
La spontanéité technique est présente, en se
libérant de la forme. Le titulaire du godan doit être en
mesure de s’adapter non seulement au partenaire, mais aussi au
contexte. Il est représentant à part entière de
l’école dans la compréhension de ses principes et
de sa pensée dans la transmission (densei). A ce stade une
communion entre aspect interne et externe se fait. Aux dimensions
internes précédentes, s’ajoute les prémisses
du mushin dans l’action.
Rokudan
C’est le troisième palier dans l’étude (RI
離). Le budo prend un sens particulier, avec la nécessité
de l’inscrire dans chaque instant de sa vie. La gestion du rythme
et du moment est au centre de la pratique, donnant lieu à la
puissance de la technique et la disponibilité. Yomi, la
perception de l’intention, l’anticipation, la
capacité à faire réagir l’autre devient un
fondamental de la technique. Le densei devient un devoir en accordant
la même importance au débutant du premier jour comme au
pratiquant le plus avancé. Par cet enseignement, le titulaire
du rokudan se perfectionne de jour en jour. Il est à la fois le
professeur, mais aussi l’étudiant de ses
élèves.
Serge Degore |